Si y avait pus d’paisans

Nous avons commencé à travailler un nouveau morceau dans la chorale cette semaine.  C’est  une chanson de Raphaël Terreau qui s’appelle Si y avait pus d’paisans (en bon français : « S’il n’y avait plus de paysans »), d’après une chanson de Georges Chevalier et Augustin Schaeffer, chanté à Romorantin dans les années 1920.  Nous nous amusons bien à la chanter, et j’ai appris tout un nouveau vocabulaire paysan ; il y a une sorte de vamp sur des termes de l’agriculture (« sarcle et bine bêche et pioche », « butte et ratisse », « houe griffe et serfouette »).  Puis le narrateur (représenté d’abord par les sopranos et plus tard par les basses) intervient :

Les rich’s dis’nt bin souvent :
Ceux sacrés paisans,
Ça bavasse !
Quand y a trois jours de biau,
I’s réclam’nt de l’iau
A teurbasse !
C’est une vraie manie,
Ça tourne en folie !
J’ons répondu :

Si y avait pus d’paisans
Pour cultiver vos champs,
Feriez-vous autant d’épate
Messieurs les Aristocrates ?
Auriez-vous des chatiaux,
Des farmes, des troupiaux,
Des étos et tout l’trembeul’ment
Si y avait pus d’paisans ?

Il s’agit donc d’une critique des riches, ce qui résonne très fortement de nos jours.  Le narrateur continue en accusant les riches de se désintéresser des pauvres (« Vous dit’s l’paisan vaut rin »*) tout en se servant d’eux pour protéger leurs biens.  Il critique enfin l’idée qu’il ne faut que défendre ses propres biens (« Car si chaqu’ citoyen ne défendait qu’son bien, vous en auriez teurtous pas tant »**) ; en fait, c’est une revendication du système socialiste.

La chanson originale date des années 1920, mais cette adaptation est beaucoup plus récente, étant écrite en novembre 2011.  Terreau n’a certainement pas choisi cette chanson par hasard ; il dit dans une petite note que certaines des chansons de Schaeffer et Chevalier « sont d’une étonnante actualité… ».  L’emploi de l’accent campagnard m’intéresse ; il me semble que c’est une sorte de référence à « la vraie France », la France profonde et non pas la France urbaine.  Nous employons le même genre de rhétorique aux États-Unis, mais je trouve qu’en général l’évocation de « la vraie Amérique » s’oppose aux thèmes socialistes, alors que « la vraie France » semble les soutenir.  Ce qui ne veut pas forcément dire que les paysans eux-mêmes sont tous en faveur du socialisme ; mais il paraît quand même que ce stéréotype existe dans un certain mesure.

 

* « Vous dites que le paysan ne vaut rien »
** « Car si chaque citoyen ne défendait que son bien, vous tous, vous n’en auriez pas tant »

This entry was posted in e- Découverte de la semaine (10 Février). Bookmark the permalink.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *