La Belle Langue française

Les cours à la fac se sont repris cette semaine, et il nous a fallu en choisir trois ou quatre à suivre.  Le semestre dernier, j’ai suivi (et beaucoup aimé) un cours sur l’histoire de la langue française où on parlait de la langue médiévale et son évolution par rapport à ses origines latines.  C’était très technique, et il fallait apprendre plusieurs règles grammaticaux (les cas, la déclinaison, l’ordre des mots) d’une langue qui était à l’époque toujours à moitié latine.  En revanche, il parait qu’on va plutôt parler de l’évolution du français de façon plus générale ce semestre – de la langue comme phénomène sociale et historique.  La prof a commencé ce premier cours par une citation de Roland Barthes, un critique et sémiologue du milieu du 20e siècle, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France en 1977 :

« La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste; elle est tout simplement fasciste; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. »

Elle a suivi cette citation d’une déclaration qu’il fallait remettre en cause ses préjugés et percer le mythe du français comme langue « parfaite » pour réussir ce cours.  Et ensuite elle a parlé de l’origine du français comme une sorte de créole du gaulois sur le latin, tout comme le créole du français parlé de nos jours aux Antilles.  Il était clair qu’elle voulait choquer les étudiants français, et qu’elle croyait que l’idée que le français n’était pas parfait, et qu’il était issu du même processus qui a créé une langue qu’ils considéraient comme plutôt primitive, pourrait en fait être choquante.

Moi, anglophone, je n’étais pas du tout choquée.  Toute personne qui a la moindre idée de l’origine de la langue anglaise sait très bien que c’est un mélange d’autres langues, une langue « bâtarde ».  Il y a une citation de James Nicholl qui est très bien connue et qui, à mon avis, décrit parfaitement notre rapport à notre langue :

« The problem with defending the purity of the English language is that English is about as pure as a cribhouse whore. We don’t just borrow words; on occasion, English has pursued other languages down alleyways to beat them unconscious and rifle their pockets for new vocabulary. »

Donc pour moi l’idée que sa langue maternelle est « parfaite », et qu’elle est née d’une sorte d’Immaculée Conception, me semble très naïve.  C’est une différence culturelle ; nous les anglophones – et surtout, je crois, les anglophones américains – n’avons pas du tout le même rapport à notre langue qu’ont les français à la leur.  Mais avant mercredi matin, je n’avais jamais tout à fait saisi l’étendue de la différence.  Il est bien possible qu’en fin de compte ce cours ait été beaucoup plus choquant pour moi que pour les étudiants français.

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4 Responses to La Belle Langue française

  1. nicola says:

    Excellente observation ! Merci de la partager avec nous !

  2. Angela Fragnoli-Hamilton says:

    Je pense que un cours d’histoire de la langue française m’intéressera parce que j’étudier multiples des langues. J’aime étudier le rapport entre les langues. J’étudie français et espagnol et il y a beaucoup du rapport entre les langues et latin. Je trouve que chaque langue que j’étudie on améliore mon anglais. Tout des langues empruntent mots de autres langues.

  3. MOURAD3570 says:

    MOURAD 3570
    La belle langue française
    ‘’ L’impureté est absolu ; la pureté est relative.’’
    Les études linguistiques et la philologie nous montrent qu’il n’y a pas une langue pure et sacrée. Il y a seulement des langues vivantes et des langues mortes. Au cours de ce combat de survie, la langue fait tout ce qui est nécessaire pour en sortir vainqueur :
    Elle peut être fasciste, suprématiste ; ou voleuse attaquant les autres langues et ravage leur trésors ; ou une mendiante qui demandait de la charité lexicale ; ou même une prostitué qui ouvre ces bras aux langues des conquéreurs. Ce qui est évident c’est que la langue, toute langue, a son histoire secrète et ses propres ‘’ raisons de ne pas laisser voir ses raisons’’, comme disait Edgard Morin.
    Moi je ne trouve pas ça choquant ; au contraire, c’est l’aspect le plus séduisant de la beauté d’une langue : c’est ce qui nous invite à être curieux et essayer de dévoiler cette histoire d’échange culturel entre les langues. C’est ce qui présentait ’’ le plaisir du texte’’ comme disait Barthe.

  4. Gwyneth says:

    Angela — Oui, il est très intéressant de voir les liens entre les différentes langues ! Je ne parle que l’anglais et le français, mais j’ai remarqué la même chose que toi, que mes études de français me mènent à une compréhension plus approfondie de l’anglais.

    Bien qu’il soit vrai que toute langue emprunte des mots à d’autres langues, il est aussi vrai que l’attitude de chaque société à l’égard de ces emprunts peut beaucoup varier. J’ai comme l’impression que les emprunts aux autres langues ne nous gênent pas trop aux Etats-Unis, alors qu’en France on essaie d’utiliser autant que possible des mots propres à la langue française (du moins, au niveau administratif de l’Académie française, etc.).

    Mourad — Je suis d’accord que l’idée de la “pureté” n’a rien à voir avec les langues réelles. J’ai trouvé très intéressant cette idée de Barthes que la langue (toute langue) est “fasciste” parce qu’elle nous oblige à dire certaines choses. Dans une certaine mesure, on perd la possibilité de l’ambiguïté ; il y a des choses que la langue nous défend de cacher.

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