La Folie Almayer

Cette semaine, je suis allée voir La Folie Almayer, un film qui vient de sortir en France le 25 janvier 2012.  C’est un film de Chantal Ackerman, une réalisatrice belge qui est déjà bien connue pour ses documentaires et pour son film La Captive, une adaptation du roman La Prisonnière de Proust.  La Folie Almayer est lui aussi librement adapté d’un roman : Almayer’s Folly de Joseph Conrad.

Dans le roman, l’histoire se déroule en Malaisie ; dans le film, les personnages parlent souvent comme s’ils y étaient aussi, mais Mme Ackerman n’essaie pas de cacher le fait que le film a été tourné au  Cambodge : tous les personnages indigènes parlent le khmer (la langue du Cambodge) et non pas la langue malaisienne.  Le cadre du film est donc un peu ambigu.  De la même façon, l’histoire se situe dans les années 50 ; mais on voit de temps en temps des anachronismes tels que des voitures modernes, de la technologie moderne, etc.  Ces ambiguïtés donnent au film un sens d’irréalisme ou de fantaisie.

Le film raconte l’histoire d’un homme qui s’appelle Kaspar (ou peut-être Gaspard – je ne suis pas sûre du prénom) Almayer, joué par Stanislas Merhar, et sa fille, Nina (Aurora Marion).  Almayer, un français obsédé par la supériorité occidentale, dirige un comptoir désert dans l’Asie du Sud-Est.  Il se marie avec une femme malaisienne qu’il n’aime pas parce qu’il croit qu’elle va faire un grand héritage ; la seule chose qu’il aime dans sa vie, c’est leur fille Nina.  Son ami Lingard (Marc Barbé) le convainc qu’il y a une mine d’or qui n’est pas encore découverte, et dont Lingard est le seul à connaitre le secret.  Almayer aimerait partir à Paris avec Nina, mais Lingard le persuade d’envoyer sa fille dans un pensionnat pour avoir une éducation « de blanche », pendant qu’Almayer tente de faire fortune.  La séparation, qui dure plusieurs années, est très difficile aussi bien pour Almayer que pour Nina ; mais ils ne s’écrivent pas.

Finalement, Lingard meurt, et comme c’était lui qui avait payé les frais du pensionnat, Nina en est expulsée.  Elle revient chez son père très malheureuse ; elle dit que « son cœur est mort ».  Elle ne se sent ni blanche ni malaisienne, et elle se sent perdue.  Elle décide enfin de s’enfuir avec un insurgé qui s’appelle Dain, qui l’aime même si elle ne l’aime pas.  C’est une vie sans perspective, mais elle considère que c’est quand même mieux que de continuer de vivre avec son père.  Almayer les trouve quand ils sont sur le point de partir.  Il essaie de les persuader de rester, mais finalement il voit qu’ils ne le peuvent pas (Dain est cherché par la police) et donc il les aide à s’enfuir.  Mais il ne pardonne point sa fille ; dès qu’elle part, il se dit qu’il doit l’oublier ou sinon il deviendrait fou.  Dans la toute dernière scène du film, Almayer est assis dans sa galerie.  Il grommele parfois contre l’amour, la trahison, la folie ; mais pour la plupart il reste silencieux.  Des fois, il dit, « Demain, je l’aurai oubliée. »  C’est une très longue prise, au cours de laquelle on le voit se rendre compte de ses propres contributions à la tragédie de sa vie ; on assiste à la destruction (et finalement à la folie) d’un homme par son propre arrogance.

Ces longues prises sont caractéristiques du style cinématographique d’Ackerman, et je trouve qu’elle les a réussies pour la plupart.  Il y en avait qui étaient un peu ennuyeuses, mais elles ont souvent permis aux acteurs de briller, ce qui est très important quand on a des acteurs aussi doués que ceux-ci.  Stanislas Merhar est assez bien connu, alors qu’Aurora Marion ne l’est pas du tout – c’est son premier film ; mais ils sont tous les deux excellents.  La dernière scène est vraiment un tour de force de la part de M. Merhar ; de même, Mme Marion est brillante dans la toute première scène.  La réaction du public aux très longues prises est mixte ; certains les trouvent ennuyeuses et prétentieuses, d’autres pensent qu’elles sont bien réussies.  Quant à moi, qu’elles soient réussies ou non, je les ai trouvées vraiment inoubliables.  En fin de compte, j’ai beaucoup aimé ce film qui sort de l’ordinaire.

Bande-annonce: La Folie Almayer

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